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Au Pérou, l'économie du destin
Date : 4 avril 2017
Michel Lhomme, philosophe, politologue ♦
Nous avons relaté ici la catastrophe provoquée au Pérou par les fortes pluies qui s'y sont
abattues en mars après de fortes chaleurs pendant tout l'été austral suite au phénomène
toujours mal connu en fait du El Niño.
Outre les morts et les dégâts humains, ces pluies ont provoqué le blocage des routes,
l'effondrement de ponts et d'une partie aussi de la principale voie ferrée du pays. C'est donc un
très rude coup porté à l'économie péruvienne qui était pourtant jusqu'alors l'une des plus
dynamiques de la région (autour de 5 % de croissance annuelle). Or, elle s'essoufflait depuis
quelques mois, donnant quelques signes de faiblesse suite en particulier à une politique
chinoise des matières premières plus protectionniste et à la difficulté de régler les conflits
miniers en particulier de Conga.
Plus de 100.000 habitants ont tout perdu et quelque 620.000 autres ont subi de graves pertes
matérielles. Le pays avait déjà connu des épisodes similaires en 1925, 1983 et 1997 et c'est
vrai qu'il est habitué aux aléas de la nature et en particulier aux tremblements de terre. L'histoire
des civilisations péruviennes disparues est sans doute le résultat d'épidémies, d'inondations, de
tremblements de terre ou d'éruptions qui ont laissé chez le peuple péruvien en particulier des
Andes, une sorte de fatalité devant l'événement dévastateur qui parfois déconcerte l'Occidental.
Ici, on n'a pas besoin en effet de lire Héraclite pour savoir que « tout coule, tout bouge ». Au
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début des années 1980, les inondations et les épidémies avaient aussi fait 9.000 morts au
Pérou et le produit intérieur brut (PIB) avait chuté de 11,6%. Celles de 1997-1998 avaient tué
500 personnes et contracté le PIB de 6,2%.
En fait, l'impact du phénomène en cours sur la production est évalué comme très proche de
celui de 1983. L'agriculture du nord et toutes ses exportations (coton et farine de poisson, en
particulier) sont touchées. Le secteur minier et la pêche vont souffrir. Or, ce sont les trois
secteurs qui animent l'activité productive du pays.
L'activité économique du Pérou a connu une croissance de 3,9% en 2016 car elle avait profité
d'une production record dans le secteur minier (cuivre, argent et fer), l'un de ses principaux
moteurs sur le marché mondial, en particulier chinois. Pour 2017, le gouvernement va devoir
forcément revoir à la baisse ses prévisions officielles de croissance à 3,8%. Le nouveau
gouvernement de centre droit de PPK (des initiales du nouveau président Pedro Pablo
Kuczynski) vient en plus d'être indirectement déstabilisé par le scandale de corruption
Odebrecht, le géant brésilien du BTP qui a soudoyé la plupart des hommes politiques et des
fonctionnaires du pays dont les deux anciens présidents Toledo et Humala.
Plusieurs projets attribués au groupe dont l'achèvement de la transamazonienne doivent en
effet être vendus ou soumis à nouveau à des appels d'offres. La construction de la nouvelle
ligne de métro risque d'être largement retardée en raison d'un dépassement de budget colossal
et anormal alors qu'elle provoque un véritable chaos véhiculaire en particulier sur la route
principale qui relie à la sierra centrale (le quartier de Ate-Vitarte à Lima).
Le pays andin est le deuxième producteur d'argent, le troisième de cuivre et le cinquième d'or.
En 2016, l'ensemble de ses exportations a cru de 7,6%, avec 1,7 milliard de dollars d’excédent
commercial à la clé. Or à l'heure actuelle, plusieurs routes et ponts sont coupés, ainsi que la
principale voie de chemin de fer, par où transite la production minière vers le port de Callao afin
d'être exportée. C'est donc l'exportation péruvienne toute entière qui va être dans les jours qui
viennent durement affectée. L'infrastructure du chemin de fer central a subi d'importants
dommages et il va falloir du temps pour déblayer, remblayer et réparer les voies.
Ensuite, à cause des problèmes d'approvisionnement, des rayons vides étaient visibles dans
plusieurs grands supermarchés de certaines villes, comme à Trujillo, à 570 kilomètres au nord
de Lima. Or, des pillages ont eu lieu. Il faut en effet sérieusement craindre par l'augmentation
de la pauvreté, une recrudescence de la délinquance urbaine qui était ces derniers temps l'une
des principales préoccupations de la population de Lima. Cette délinquance parfois ultra-
violente peut très bien se mettre à gangrener le pays.
Le Pérou qui est aussi le plus grand producteur mondial de farines de poisson (dans le nord en
particulier autour du port de Paita qui était justement en rénovation et en extension, durement
touché lui-aussi) pourrait également être affecté par le réchauffement de l'océan le long de ses
côtes, faisant fuir certaines espèces marines puisque ses principales zones de pêche destinées
à l'exportation se trouvent dans le nord, la région la plus touchée par les intempéries.
En même temps, parce que nous connaissons bien l'ingénuité et le courage péruvien, nous
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pouvons soutenir aussi que, comme très souvent après une catastrophe naturelle, le Pérou va
assister à un effet rebond, grâce à la reconstruction des infrastructures et qu'ainsi, le bâtiment
va continuer de s'y porter très bien (on construit autour de Lima partout) et effectivement, c'est
bien cela aussi la fatalité andine et son côté tragique : on construit sans cesse, puis on répare
les dommages des Dieux naturels.
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