LÉGIONELLOSE
Julien Drevon, Jean-Christophe Navellou, Gaël Piton,
Gilles Capellier
Service de Réanimation Médicale, pital J. Minjoz, 21 boulevard Flem-
ming, 25030 Besançon, France.
INTRODUCTION
L’apparition de cas groupés de légionellose est un sujet d’information récur-
rent pour le grand public. Des épidémies périodiques dans diverses régions
entraînent des enquêtes épidémiologiques de grande envergure qui permettent
parfois de retrouver la source de contamination. Les tours aéroréfrigérantes des
complexes industriels sont souvent mises en cause.
Les premiers cas de légionellose en tant que tels ont été identifiés à la
suite d’une enquête épidémiologique du Center for Disease Control (CDC) en
1976. Des cas groupés de pneumopathies sévères avaient alors touc une
population de vétérans américains de la légion résidant dans un même hôtel
et avaient fait 29 morts. L’agent infectieux responsable fut découvert en 1977 :
Legionella pneumophila. Le système de climatisation mal entretenu de l’hôtel
était la source de contamination [1].
D’autres bactéries semblables ont été découvertes par la suite, classées
dans le groupe des legionellaceae, elles sont responsables des légionelloses.
On a pu mettre rétrospectivement en cause ces bactéries dans certaines épi-
démies antérieures [2].
1. BACTÉRIOLOGIE
Les légionelles sont des bactéries bacilles gram négatifs, aérobie strict. On
distingue 48 espèces et 70 sérogroupes.
1.1. RÉSERVOIRS
Le réservoir est essentiellement hydrique. La bactérie est saprophyte des
milieux hydriques naturels, son développement est amplifié dans les milieux
aménagés par l’homme (conduites d’eau chaude, pommeaux de douche, tours
aéroréfrigérantes). La croissance de la bactérie dépend du milieu environnant.
Les conditions idéales de développement sont un pH neutre, une température
de 37°C et la présence d’autres micro-organismes.
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En effet Legionella spp utilise les amibes et d’autres protozoaires pour
se multiplier, ceux-ci apportant le substrat énergétique et nutritif. De plus ces
protozoaires protégent les bactéries qui pourront supporter des variations de
températures et de pH importantes [3]. Le biofilm que l’on peut retrouver dans
les canalisations mal entretenues est un facteur de multiplication des protozoai-
res. Les bactéries ainsi protégées par les protozoaires et le biofilm résistent aux
mesures habituelles de désinfection des installations d’eau courante [4].
1.2. PATHOGÉNICITÉ
Legionella pneumophila est la principale bactérie pathogène pour l’homme.
Legionella pneumophila sérogroupe 1 est responsable de 80 % des pneumo-
pathies à Légionelle, suivi par le sérogroupe 6. La distribution des sérotypes est
très différente selon le type de légionellose. En effet, pour les cas nosocomiaux,
on retrouve 35,9 % de sérotypes non 1 [5].
On dénombre 22 espèces pathogènes. Le pouvoir pathogène des légio-
nelles dépend des structures de surface. Parmi ces structures de surface, on
retrouve une lipopolysaccharide (LPS) qui contient une endotoxine, le « macro-
phage infectivity potentiator protein » (mip proteine) », la protéine majeure (outer
membrane porin), des pili et un flagelle pour certaines bactéries. Tous ces facteurs
de virulence combinés vont contribuer à permettre le passage des légionelles
dans le macrophage alvéolaire pour se répliquer. Cette capacité de pénétration
à l’intérieur du macrophage alvéolaire conditionnerait en partie la virulence de la
bactérie. En effet, les Legionella pneumophila mutantes, incapables de pénétrer
le macrophage, présentent une virulence moindre [6]. Cependant la bactérie
survit aussi dans le milieu extracellulaire : on la retrouve dans l’alvéole, mais en
moins grand nombre.
2. LA LÉGIONELLOSE EN FRANCE
2.1. RÉSEAU DE SURVEILLANCE
La légionellose est une maladie à déclaration obligatoire depuis 1987. Cette
déclaration obligatoire permet un meilleur recensement de la maladie en France
par l’Institut national de veille sanitaire via la DDASS. Un centre national de
référence (CNR) a été instauré en France (basé à Lyon), qui centralise tous les pré-
lèvements positifs pour la légionellose. Le CNR établi alors un profil génomique
de ces souches et constitue une banque de données permettant de comparer
les souches responsables de cas clinique à des souches environnementales. Il
existe donc un double recueil de données : d’une part clinique, par la déclaration
obligatoire à l’InVS et d’autre part biologique, par le CNR. Un réseau européen
analogue (EWGLI : European Working Group for Legionella Infections) regroupe
36 pays européens, et permet, entre autres, de définir des cas de légionellose
importée lorsqu’un patient a voyagé, dans les 10 jours précédant la maladie.
2.2. EPIDÉMIOLOGIE
Il y a eu 1 202 cas de légionellose en France en 2004. Le nombre de cas en
France ne cesse d’augmenter chaque année depuis 1987. Il existe une majoration
importante des cas depuis 1997. Cette augmentation de cas est liée d’une part,
à l’apparition du diagnostic rapide par antigénurie et d’autre part, à une action
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de sensibilisation des cliniciens à la maladie. Il existe une variation saisonnière
des cas avec un pic pendant l’été et une diminution du nombre de cas en hiver.
L’incidence est de 2/100 000 habitants en France en 2004, ce qui est au-dessus
de la moyenne européenne (1/100 000) [7].
Parallèlement à l’augmentation du nombre de cas de légionellose (avec
en moyenne une augmentation de 24 % par an depuis 1997), on observe une
diminution des cas nosocomiaux.
En Europe, les légionelloses nosocomiales représentent 9 % des cas, 38 %
sont communautaires, 20 % sont associées à une notion de voyage et pour
33 % des cas l’exposition est inconnue [8].
Le taux de mortalité est compris entre 10 et 15 %. Cependant, chez l’immu-
nodéprimé, ce taux passe à plus de 40 % en l’absence de traitement et entre
5 et 30 % avec un traitement adapté.
3. TRANSMISSION À L’HOMME
La transmission à l’homme se fait par inhalation d’aérosols d’eau contami-
née. La taille des gouttelettes contaminantes doit être inférieure à 5 µm pour
pouvoir atteindre les alvéoles pulmonaires. Il n’existe pas de contamination par
la voie digestive, la transmission ne peut se faire par l’intermédiaire d’aliments
ou de boissons contaminés, sauf en cas de micro-inhalation (cette source de
contamination est suspectée mais non démontrée). Il existe souvent des cas
groupés de légionellose qui ne résultent pas d’une contamination interhumaine
mais environnementale. La légionellose n’est pas contagieuse.
Les principales sources d’infection, réservoirs de légionelles, sont les systè-
mes d’installation d’eau chaude et les tours aéroréfrigérantes de l’industrie. Les
installations des établissements thermaux sont plus rarement mises en cause.
A l’hôpital, les dispositifs de traitement par aérosols ont été la source de cas de
légionelloses nosocomiales. Depuis, il est obligatoire d’utiliser de l’eau stérile
pour alimenter ce genre de matériel. Les douches, habituellement assimilées à
une source de contamination, seraient un facteur protecteur. Cette observation
paradoxale serait expliquée par le fait que les patients capables de prendre une
douche ont des critères de gravité moindres (patients ambulatoires, moins de
risque d'inhalation) [9].
4. FACTEURS FAVORISANTS
En France, les données épidémiologiques récoltées grâce aux déclarations
obligatoires à l’institut de veille sanitaire ont permis d’identifier des facteurs
favorisants. Il ressort de façon constante depuis 1997 que les cancers, les hémo-
pathies, les traitements par corticoïdes et immunosuppresseurs, le diabète et
le tabac sont des facteurs favorisants.
Il est intéressant de remarquer que la première épidémie de légionellose
diagnostiquée comme telle à Philadelphie en 1976 a touc des personnes
présentant ces facteurs favorisants.
Un facteur favorisant au moins n’a été retrouvé que chez 72 % des cas de
légionellose en France en 2004, ce qui implique que, dans 28 % des cas, aucun
facteur favorisant n’est retrouvé.
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Tableau I
Facteurs favorisants parmi les cas de légionellose survenus
en France 2001-2004 [7]
2001 2002 2003 2004
Nb % Nb % Nb % Nb %
Nombre total des cas déclarés 807 1021 1044 1202
Facteurs favorisants* :
Cancer/hémopathie 90 11 114 11 101 10 112 9
Corticoïdes/immunosupres-
seurs 98 12 112 11 96 9 113 9
Diabète 78 10 118 11 117 11 157 13
Tabagisme 319 40 422 41 439 42 556 46
Autres** 170 22 210 21 225 22 209 17
* non mutuellement exclusif
** respiratoire, cardiaque, éthylisme, VIH
5. CLINIQUE
Le terme de légionellose regroupe toutes les manifestations cliniques dont
les légionelles sont responsables. On distingue principalement les pneumo-
pathies à légionelle et la fièvre de Pontiac. Les autres formes d’infection sont
exceptionnelles. En effet, il a été décrit des infections extra-pulmonaires telles
que des infections de sites opératoires (contamination par de l’eau souillée) et
des endocardites.
La période d’incubation se situe entre 2 et 10 jours. Des périodes d’incuba-
tion plus longues, jusqu’à 19 jours, ont été observées, notamment lors d’une
épidémie aux Pays-bas en 1999 [10].
5.1. TABLEAU CLINIQUE
Le tableau clinique de la légionellose est celui d’une pneumopathie. Les
signes cliniques classiques d’orientation pour la légionellose comme les cépha-
lées, la confusion, la toux sèche ou la diarrhée sont des signes cliniques que
l’on retrouve aussi fréquemment dans les pneumopathies à pneumocoque [11].
Ces signes cliniques ne doivent donc pas être pris en compte dans la prise en
charge initiale d’une pneumopathie car ils ne sont pas discriminants. L’absence
d’amélioration d’une pneumopathie sous ß-lactamines doit faire penser forte-
ment à une légionellose.
Les pneumopathies communautaires à légionelle sont au deuxième rang des
agents étiologiques des pneumopathies communautaires hospitalisées en réani-
mation : la mortali(en réanimation) atteint 18 à 30 %. Des facteurs pronostiques
ont été identifiés sur des petites séries, un score APACHE II > 15 à l’admission
et une natrémie 136 mmol seraient des facteurs de surmortalité [12].
5.2. TABLEAU RADIOLOGIQUE
Plusieurs études ont prouvé qu’il n’y avait pas de spécificité radiologique
permettant d’orienter vers le diagnostic de pneumopathie à légionelle.
Pathologie infectieuse 581
Classiquement, la présentation radiologique de la pneumopathie à légionelle
est celle d’une pneumopathie multilobaire rapidement progressive. Il existe
initialement un infiltrat qui cède la place à une zone de condensation [13].
On retrouve toutefois, des images avec infiltrations parsemées « patchy »
(78 %), des infiltrats confluents (2 %) ou des infiltrats interstitiels (18 %). La
distribution peut être unilobaire (60 %), multilobaire (28 %) et bilatérale (16 %).
Un épanchement pleural est possible (24 %) [14].
5.3. TABLEAU BIOLOGIQUE
Le tableau biologique classique de la légionellose comprend une hypona-
trémie, une hypophosphorémie, une insuffisance rénale, une augmentation des
CPK et/ou une cytolyse hépatique. Tous ces désordres biologiques sont aussi
retrouvés dans les pneumopathies à pneumocoque. La biologie ne peut donc être
un facteur discriminant de la nature bactériologique de la pneumopathie [15].
L’insuffisance rénale, par mécanisme immuno-allergique est retrouvée dans
35 % des cas de pneumopathie à légionelle.
5.4. SCORES SÉMIOLOGIQUES (SCORE DU WINTHROP - UNIVERSITY
HOSPITAL)
Ce score prend en compte différents aspects cliniques, biologiques et
radiologiques d’une pneumopathie. Le score obtenu indique la probabilité d’une
pneumopathie à légionelle (peu probable, probable, hautement probable). La
sensibilité (78 %) et la spécificité (65 %) médiocre de ce score ne permettent
pas de l’utiliser en pratique clinique.
6. MOYENS DIAGNOSTIQUES
Le diagnostic biologique de légionellose est difficile. La séroconversion
n’intervient que 6 à 10 semaines après l’infection. Ce mode diagnostique n’a
donc qu’un intérêt rétrospectif. L’utilisation en pratique courante de l’antigénurie
(AgU) a simplifié la démarche diagnostique par rapport à la culture et la recherche
en immunofluorescence directe sur des prélèvements pulmonaires. LAgU a été
intégrée pour la définition des cas confirmés.
6.1. DÉFINITION DE CAS
Assocaition d'une penumopathie et d'éléments biologiques.
Cas confirmé
- Isolement de Legionella dans un prélèvement clinique
- Et/ou augmentation du titre d’anticorps (multiplié par 4) avec un deuxième
titre minimum de 128
- Et/ou présence d’antigène soluble urinaire ;
- Et/ou immunofluorescence directe positive.
Cas probable
- Titre unique d’anticorps élevé (> 256).
Cas nosocomial certain
- Cas hospitalisé durant la totalité de la période d’incubation (10 jours)
Cas nosocomial probable
- Cas hospitalisé durant une partie de la période d’incubation.
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